Un blog de style Z

C'est un cri? C'est une Peugeot? Mais non, c'est le style z!

02 avril 2006

Kondratieff / Polnareff: même combat? (1)

De la corrélation entre cycles économiques et modes capillaires
Une théorie du professeur Sauerkraut

Note de l'éditeur:
Dans l'article précédent, l'auteur a habilement introduit son sujet dans le fondement de ce site internet, et ce avec une facilité déconcertante. Mais voici sans plus tarder la première partie de son étude, intitulée comme il se doit...

L'économie à poils

l'homme de néanderthal a des poils partout. D'où la difficulté de voir une quelconque signification politico-économique dans cet agencement pileux plus ou moins abscon.

Depuis les origines de l'humanité, le management (la gestion, en français) de la pilosité est une obsession très courante. On retrouve déjà dans la grotte de Lascaux plusieurs représentations de coiffures qui feraient pâlir n'importe quelle vitrine d'un salon Jean-Louis David du centre-ville de Montluçon. Mais là n'est pas le propos de mon étude, qui est je le rappelle celle de la corrélation entre les modes capillaires et les cycles économiques. Or, je n'ai pas encore parlé des cycles économiques. C'est bien normal, puisque qui dit cycle économique dit capitalisme. C'est évident, et je suis surpris que vous ne l'ayez pas pensé plus tôt. Au lieu de cela, vous m'avez laissé m'embourber dans des considérations préhistoriques sans importance.

Faisons donc un saut dans l'histoire. Un grand saut, puisque les historiens s'accordent à situer les débuts du capitalisme à la fin du XVIIIème siècle, tout du moins dans sa version la plus évoluée. Seulement voilà, le hic est que nous ne possédons que très peu de statistiques analysables sur toute cette période, jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale. De même, à part quelques photos d'époque, nous n'avons qu'une vue partielle de ce qu'étaient les modes capillaires avant la massification de la photographie du milieu du XXème siècle. Voilà pourquoi je fais débuter mon étude à partir des années 1960, jusqu'à nos jours.
Marcel Proust entre deux siècles (cherchez pas la contrepétrie, y'en a pas). On peut noter la moustache tortillé aux deux bords ainsi que la raie au milieu de cheveux graissés à la gomina. Cependant, en tirer une corrélation avec les turbulences économiques du XIXème siècle finissant est un combat perdu d'avance.

Rock around the helmet

Si les années 1950 furent celles de la reconstruction et du "miracle économique" pour les pays de l'Europe de l'Ouest, les années 1960 furent celles de la consolidation. Le rattrapage en terme de niveau économique entre l'Europe et les Etats-Unis est d'autant plus spectaculaire qu'il est rapide. La croissance du Produit Intérieur Brut est alors très élevée, atteignant presque 10% en Allemagne de l'ouest.

Cette exubérance se traduit très bien dans la mode capillaire. Les hommes, qui optaient jusque là pour une coiffure austère, celle des temps difficiles, commencent à adopter le port du casque. Nous sommes ici encore loin de l'exubérance inflationiste et sans limites des années 1970, mais notez le volume important de la masse capillaire, et observez l'évolution entre les deux photos ci-dessous, c'est stupéfiant (sans jeu de mots).

En haut, les Beatles en 1962. En bas, les mêmes en 1965. Observez plus particulièrement John Lennon. Si vous ne voyez rien, changez de lunettes parce que c'est vraiment flagrant. Mais oui, c'est bien ça! Leurs cheveux ont poussé!


Une fois cette observation faite, quelle conclusion peut-on en tirer? Eh bien, regardons pour cela la courbe de la croissance économique! On observe clairement un taux de croissance toujours soutenu, mais une menace se profile à l'horizon: l'inflation. En effet, en ce début des années 60, seule l'augmentation continue des prix vient faire de l'ombre à un cycle de croissance économique ayant débuté dans les années 1940. La différence est cachée derrière les chiffres. La croissance a changé de nature. D'une croissance extensive, et basée sur la reconstruction, on est passés à une croissance plus intensive, une fois la reconstruction terminée. Finie donc l'austérité, place à plus d'exubérance! Entièrement assumée par les gens qui la font, la croissance semble pouvoir éternellement se poursuivre. Pas étonnant dans ce cas que les cheveux en fasse de même, n'est-ce pas?


Les femmes aussi commencent à montrer leur rôle de plus en plus prépondérant dans la production de valeur ajoutée. Là aussi, c'est le casque qui domine, mais avec quelques excroissances ici ou là (surtout là).
France Gall au début des années 1960. La seule différence avec les Beatles finalement, ce sont les cheveux qui se recourbent dans le bas. On a ainsi un superbe effet de rideaux, qui dans ce cas semblent être doublés et laqués. La Femme montre ainsi qu'elle aussi participe au "volume" de la croissance économique, notamment grâce à ses activités ménagères (principalement en achats de rideaux doublés et de laque). (ndlr: les plaintes pour machisme sont à déposer devant la porte d'entrée, et n'oubliez pas vos patins en entrant sinon ça raye le parquet).


Et c'est là qu'intervient un nouvel élément dans mon analyse. En effet, il m'est apparu qu'on ne pouvait dissocier croissance économique de la société dans laquelle elle s'exerce, c'est-à-dire des enjeux sociaux, politiques et moraux qui la gouverne. Aussi je vais de ce pas introduire ces éléments de tailles diverses dans le fondement de cette étude.


Le milieu des années 1960 est marqué par un ralentissement de la croissance économique, qui annonce déjà les prémices de la crise économique des années 1970. On assiste en effet à un échauffement des capacités de la croissance. C'est un peu comme un moteur que l'on pousserait à fond les manettes alors que nous somme restés en 3ème vitesse. Cet échauffement crée de l'inflation. Et cette augmentation des prix commence sérieusement à peser sur la croissance économique. Parralèlement à ces considérations purement économiques, le niveau de confort des habitants des pays occidentaux est à un niveau jamais atteint. Selon la pyramide de Maslow, on peut en conclure que les besoins primaires sont largement dépassés. Ce n'est donc pas par hasard que la société aspire à plus de loisirs.


Nous avons donc dès cette période deux types de coiffure. Le premier est la prolongation des coiffures que nous avons vues précédemment. C'est l'effet "casque" (helmet, en anglais), qui traduit selon moi un besoin de se protéger de l'extérieur et d'affronter des lendemains moins roses. Cet effet est renforcé par la mode de la frange.
Jacqueline Midinette va au-delà de France Gall dans le sens où sa frange lui donne un aspect lisse, robotisé dirait ce cher Paco Rabanne. Mais de quoi Jacqueline veut donc se protéger? De l'inflation galopante? De la chienlit? De la guerre du Vietnam? Du truc poilu à sa gauche? On ne le saura probablement jamais, mais toujours est il que sa frange est vraiment magnifique.


Un pet au casque


Le deuxième type de coiffure qu'on observe à cette époque est beaucoup plus intéressant, car il reflète bien la société. Il s'agit du type "beatnik".
Observons cette coupe de Beatnik, prise sur la personne de Stone, qui deviendra très vite la femme d'Eric Charden pour chanter le prix des allumettes ("qui ne change pas" soit disant... ça m'étonnerait, avec l'inflation!) et les vaches made in Normandie. Pour l'instant, Stone, elle nous présente sa coupe Beatnik. Observez bien, et comparez là à celle de Jacqueline Midinette. Eh bien oui, la frange est mal coupée et l'effet casque est quelque peu contrarié!


Voici les raisons pour lesquelles je crois sincèrement que la coupe Beatnik symbolise la deuxième moitié des années 1960. Une croissance forte, mais qui commence à montrer ses faiblesses, ses travers. Il y a donc bien des gens comme Jacqueline Midinette qui font croire que tout va bien dans le meilleur des mondes en se faisant la frange au cordeau. Mais quelquechose cloche dans ce monde, et les jeunes entendent le prouver en se coupant eux-mêmes leurs franges (mal) et même en essayant de loucher devant l'appareil photo. Pas sympas les jeunes, hein? Et pourtant, cette impression ne fera que se confirmer par la suite.
Le cycle A Kondratieff n'est pas encore terminé, il lui reste encore une petite décennie avant de se terminer. Mais c'est le moment exact où la courbe jusque là ascendante commence à se tasser. C'est ce qu'on appelle la crise économique. Nul doute que ce sera aussi la crise dans les salons de coiffure.


A suivre...

1 commentaire(s):

  • le mercredi, 05 avril, 2006, Anonymous Anonyme a dit…

    Cher Monsieur,
    Votre hâte m'étreint et votre enthousiasme m'émeut. J'espère ne point vous décevoir avec la suite de mon article qui arrivera très prochainement.

    Pr Sauerkraut

     

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