Un blog de style Z

C'est un cri? C'est une Peugeot? Mais non, c'est le style z!

27 avril 2006

Kondratieff / Polnareff: même combat? (2)

De la corrélation entre cycles économiques et modes capillaires
Une théorie du professeur Sauerkraut

Note de l'éditeur:
Rallumez sèche-cheveux, résonnez rasoirs, la chronique du professeur Sauerkraut revient pour notre plus grand plaisir, et le vôtre.

Patrick Topaloff: Hair Symbol des années 1970. Désinvolture, bouche ouverte, lunettes à grands carreaux, frange stylisée et ventre bien tendu.


Cheveux longs, idées courtes?



Des franges qui en disent long sur l'incapacité à voir l'imminence du choc pétrolier.

Nous sommes au début des années 1970 et le marasme économique est déjà palpable dans les pays occidentaux. Cette période est fortement marquée par une constante augmentation des prix, phénomène qu'on appellera par la suite "Inflation". Dans une période antérieure (cf. article précédent), l'inflation était couplée avec une croissance économique forte. Le système s'entretenait donc lui même, puisque la croissance de la production alimentait la croissance des salaires, puis la croissance des prix, etc, etc. C'est ce qu'on appelle un très beau cercle vertueux.

Ce foisonnement du volume des prix et des salaires se répercutait indéniablement sur le volume capillaire. Au début de la nouvelle décennie, la situation n'a pas changé. Pire, les cheveux semblent eux aussi avoir doublé de volume. Comme par hasard, cette époque est marquée par l'idéologie du retour à la terre. "Ne coupons plus nos cheveux, partons élever des chèvres dans le Larzac" semble crier la jeunesse de l'époque (tout cliché mis à part, cela va de soi).



Antoine: quand la bise fut venue, la cigale fut bien dépourvue

En réponse à ce mouvement capillaire sans précédent dans l'histoire de l'humanité et des salons de coiffure, on entrevoit le départ d'une contre-révolution qui connaîtra son âge d'or au début des années 1980. Je parle bien entendu de l'école de Chicago, menée tambour battant par Milton Friedman. Cet économiste propose de remettre au goût du jour les théories du libre-échange d'Adam Smith en les couplant à une cure d'austérité pour l'Etat, devenu trop gros (et peut être trop chevelu?). Cette cure aurait ainsi pour effet de réduire les dépenses, les salaires, et donc les prix, le tout dans une économie assainie car de nouveau libre comme l'air, le cheveu au vent.

En bref, deux mouvements s'affrontent: l'un a les cheveux courts et la ceinture serrée, l'autre s'appelle Antoine et a l'air complètement débraillé. Je sais que cette théorie vous paraît un peu trop subtile, mais seul le souci du détail m'a permis de devenir en toute modestie le brillant économiste que je suis aujourd'hui.

Les charlots: un avant-après décoiffant!

Bref, la fin des années 1960 et le début des années 1970 est un bordel sans nom. D'ailleurs, quand le général de Gaulle invective "la chienlit", ne parle t'il pas en fait des coiffures des hippies qui ne font qu'attiser sa jalousie d'une jeunesse et d'une tignasse perdues?



"Bon les jeunes, vous arrêtez vos délires de hippies ok? Y'en a marre! Oh puis merde tiens puisque c'est ça, je sors. "

La crise est dans l'Hair

Octobre 1973: la machine économique s'emballe. C'est le premier choc pétrolier. Les prix du baril de brut sont multipliés par 3, suite à la guerre du Kippour et la décision des pays producteurs de limiter l'extraction de l'or noir. La croissance économique est en berne. Pour marquer le coup, la France élit en 1974 un président jeune (!) mais complètement chauve. Le temps des ciseaux serait-il revenu?

Heureusement que les faiseurs de slogan étaient là en 1974 pour nous préciser que Giscard n'était pas un faux président, mais un vrai chauve!


Là encore, on observe une dualité entre les prétentions de l'élite et le comportement de la plèbe. En effet, cette dernière continue d'arborer des tignasses de plus en plus volumineuses. En plus de cela, les tenues vestimentaires sont de plus en plus libérées du slip.

Stone et Charden contre vents et marées inflationistes ("toi, tu ne changes pas, tu es comme le prix des allumettes"), grâce à des joggings assortis et des coiffures inébranlables.

Au même moment intervient un phénomène économique nouveau: la stagflation. Cela signifie que, malgré la croissance économique qui stagne, l'inflation reste aussi galopante qu'un étalon sur l'hippodrome de Longchamp. La croissance des prix et des salaires est entrée dans une spirale sans fin, ce qui contredit coup sur coup à la fois la théorie du cycle économique de Kondratieff (une phase A était fondée sur la croissance des prix; or nous semblons être en phase B du cycle) et les vélléités des garçons coiffeurs. Le cycle de la mode aurait en effet du revenir aux cheveux courts. Las, les cheveux vont devenir de plus en plus longs, au point que même Gérard Lenorman il ressemble à une fille, ah ah ah.

Gérard Lenorman, ou l'illusion d'un monde de rêve au milieu d'un champ de blé. Exemple flagrant d'une coupe de cheveux cachant la réalité d'un monde vicié et décadent.

Le "compromis Playmobil"

Outre les prétentions capillaires sans avenir d'un Valéry Giscard d'Estaing ou même d'un François Mitterrand, on distingue désormais deux attitudes. La première fait écho à une phrase fort célèbre de Georges Pompidou (décédé suite à un concours de gonflage de joues crétin qui est allé trop loin): "entre le chômage et l'inflation, j'ai choisi l'inflation", qui signifiait qu'il préférait laisser courir l'inflation pour lutter contre le chômage. Ainsi, on laisse filer les prix et la longueur des cheveux, et même des poils en général.

Abba, le grand Jojo, Michel Polnareff, les Jackson five: 4 symboles de la pilosité libérée mais néanmoins moutonnière des années 1970.

La deuxième attitude préfère le compromis entre une inflation maîtrisée, au prix d'une croissance économique moins forte. C'est ce que j'appellerais "le compromis playmobil", qui va connaître ses beaux jours à la fin de la décennie. Ainsi, on va garder un volume capillaire important, tout en le maîtrisant astucieusement. C'est ainsi qu'on va voire renaître la mode de la coupe au bol.

Quelques beaux exemples du compromis Playmobil de la fin des années 1970. Mireille Mathieu arbore un casque que Jeanne d'Arc n'aurait pas renié, tandis que Dave nous montre les vertus water-proof de sa coupe dans sa piscine achetée avec les royalties de Vanina. Water proof peut être, mais contre les marées noires...?

La fin des années 1970 est donc marquée par cette "révolution conservatrice" que représente le compromis playmobil. On veut bien des cheveux, mais dans la limite du raisonnable. Néanmoins cette sagesse introduite dans les salons de coiffure ne va pas avoir d'effet significatif sur l'inflation et la croissance économique. Le deuxième choc pétrolier de 1979 va anihiler tous les efforts en faveur de la coupe "casque" à la Mireille Mathieu, qui avait pour but de nous protéger justement des chocs. Ce coup-ci, c'est clairement la crise. Milton Friedman va enfin pouvoir sortir du terrier théorique, et verra ses recettes appliquées à la lettre par Margareth Thatcher, à partir de 1980.

Claude Forier (avec une grosse faute d'orthographe comprise dans le prix) et Waylon nous offrent deux tristes avatars d'une décennie capillairement et économiquement décadente. A force de répéter en moins bien ce qui a marché dans le passé, on plombe le futur. Waylon anticipe d'ailleurs déjà la Cold Wave en remettant sa petite laine sur le dos.

Les effets de cette nouvelle politique sur l'économie ainsi que sur les coiffures sera dévastateur et multiforme. Abba prépare son divorce, Polnareff se barre,Claude François se fait griller... sa coupe par des cloclones ampoulés, tel Claude Forier, et le disco se meurt lentement. C'est là que les années 1980 entrent en scène.

21 avril 2006

La cité de verre





Start spreading the news,
I'm leaving today
I want to be a part of it
New York, New York


These vagabond shoes,
Are longing to stray
Right through the very heart of it
New York, New York

I want to wake up in a city,
That doesn't sleep
And find I'm king of the hill
Top of the heap

These little town blues,
Are melting away
I'm gonna make a brand new start of it
In old New York
If I can make it there,
I'll make it anywhere
It's up to you
New York, New York

New York, New York!

I want to wake up in a city,
That never sleeps
And find I'm A number one,
Top of the list,
King of the hill,
A number one

These little town blues
Are melting away
I'm gonna make a brand new start of it
In old New York
And...

If I can make it there,
I'm gonna make it anywhere
It's up to you,
New York, New York!



Franck Sinatra
(John Kandler/Fred Ebb)
-1979-

Ca y est, j'y suis allé. Ou plutôt j'y suis, car je vais parler au présent. J'ai des images plein la tête. Ca fait longtemps que j'écoute cette fabuleuse chanson. Moi aussi je veux être "king of the hill"!

Après l'observation d'un panorama tel que vous pouvez le voir ci-dessus, je passe dans le tunnel Lincoln pour arriver dans le terminal près de Times Square. Il est approximativement 6 heures du matin. Les groupies de Tom Cruise se sont couchées et les fans de musicals ont rejoint leurs pénates. Restent les travailleurs de la voirie et les éboueurs, qui continuent à alimenter la vie du quartier. Il est 6 heures, New York s'éveille! Mais s'était-elle vraiment endormie? Telle la girafe, cette ville semble dormir debout, à peine quelques minutes lui suffisent pour récupérer des forces.
Après avoir pris un breakfast typiquement américain avec un cheesecake à tomber par terre, nous entrons dans le métro. Lewis Caroll nous fait un clin d'oeil: oui, nous sommes bien aux pays des merveilles.
1er jour:
A peine arrivés, il nous faut prendre de la hauteur. C'est une obsession constante ici. C'est en étant à l'intérieur de cette ville debout qu'on ressent le plus le besoin d'avoir une vue d'ensemble. Un peu comme un jeu vidéo où de temps en temps on aurait besoin de prendre du recul sur ce qu'on est en train de voir ou de faire. Quel plus beau moyen pour cela que d'emprunter les ascenseurs de l'Empire State Building?
"J'ai mon bureau en haut d'une tour, d'où je vois la ville à l'envers... d'où je contrôle mon univers..."
Un petit coucou au petit frère Chrysler Building, pour moi le plus beau de la ville, construit quelques années avant l'Empire State Building (1931). Resdescendus des nuages, notre excursion se poursuit dans le Midtown, le vrai centre-ville de New York, vers le siège des Nations-Unies. Un lieu froid et imposant, construit en 1950 par l'équipe de Le Corbusier.


2ème jour:
Il est temps de découvrir le deuxième centre de la grosse pomme: Lower Manhattan. Oui, c'est ce quartier que l'on voit très souvent en photo, au bord de l'eau, éternellement debout. Normal, c'est la capitale mondiale de la finance.

Le Staten Island Ferry (les bateaux oranges sur la photo) nous permet gratuitement de prendre du recul (à l'horizontale, cette fois) sur le quartier, et de faire un coucou à la Lady Liberty. Mais pourquoi regarde t-elle aussi sévèrement l'Europe?
Retour dans les canyons urbains de Manhattan, pour faire un tour sur le pont de Brooklyn. Monument de New York, à l'instar des gratte-ciels. Sauf qu'il demeure couché, afin de de permettre à la grosse pomme de se gorger des travailleurs venus de la banlieue, voire de plus loin.


Il est temps de revenir dans la ville, d'y entrer vraiment. Nous passons à China Town, véritable antithèse du Lower Manhattan tant les rues sont bordéliques et organiques... Bref, vivantes.


L'espace urbain entre le Midtown et Lower Manhattan est donc ainsi: des immeubles bas, des escaliers de métal dans tous les sens, des rues borgnes, des citernes sur les toits, des rues encombrées: c'est ici que les gens vivent, quand ce n'est pas à l'extérieur de la presqu'île.

Nolita, East Village, Greenwich village, tous ces noms bucoliques sont en fait des quartiers très denses en population, au centre desquels se trouve une jolie place: Washington Square. C'est aussi un film et une chanson de Keren Ann (2002).


Etait-ce un hasard, un roman, un histoire
Un matin ou un soir
Etait-ce ici, ou bien nulle part
Etait-ce inattendu, ai-je tant attendu
Une lettre perdue
Etait-ce la fin ou bien le début
Tout passe même le passé
Même nous, je sais
Je n'oublie pas nos après-midi à Rome
Nos ballets de cour à Babylone
Ton rire, tes silences
Et notre dernière danse,
Je n'oublie pas nos après-minuit d'automne
L'air que tu sifflais à Babylone
Le quai de la gare
Et puis la rose de Washington square
Etait-ce un hasard tes yeux triste, ton regard
Dans la lueur du phare
Etait-ce trop tôt ou bien trop tard
Etait-ce un peu loin, un peu flou, trop soudain
La pluie du matin
Etait-ce le début ou bien la fin
Tout passe même le passé
Même nous je sais
Je n'oublie pas nos après-midi à Rome
Nos ballets de cour à Babylone
Ton rire, tes silences
Et notre dernière danse,
Je n'oublie pas nos après-minuit d'automne
L'air que tu sifflais à Babylone
Le quai de la gare
Et puis la rose de Washington square
Tout passe même le passé
Même nous je sais
Je n'oublie pas nos après-midi à Rome
Nos ballets de cour à Babylone
Ton rire, tes silences
Et notre dernière danse,
Je n'oublie pas nos après-minuit d'automne
L'air que tu sifflais à Babylone
Le quai de la gare
Et puis la rose de Washington square


3ème jour:

Par un temps magnifique, une ballade dans Central Parc s'impose. Un écrin de verdure paradoxalement organisé au sein de la jungle urbaine. Je dis paradoxalement, car d'habitude c'est plutôt la nature qui représente l'inconnu. A New-York, c'est la ville. Central Parc est un lieu de détente et de loisirs: encore un endroit qui nous permet de prendre du recul par rapport à la monstrueuse cité.



Regénérés par cette ballade, nous pouvons affronter de nouveau la ville, ses rues perpendiculaires et cette avalanche de pierre, de verre et d'acier. Les yeux désormais en l'air. Cette ballade nous révèle quelques lieux insolites, où mêmes les voitures s'empilent à la verticale, où Frida Kahlo est une carte à jouer, où les murs se transforment en toile de maître, où les lions de pierre sont gardiens de livres, et où même les limousines succombent à l'idéologie sécuritaire.

Le plaisir de flâner dans les rues de New-York, l'appareil photo à la main.

Mais tous les rêves ont une fin: il est temps de rentrer...



Reste de ce voyage une multitude d'images, de pensées à des films, des musiques, des histoires. L'impression d'y être allé enfin, de s'être réveillé dans la ville qui ne dort jamais.

Merci à Sylvaine pour les photos, à google pour les autres. Merci à Franck Sinatra, Keren Ann, Woody Allen, Martin Scorcese, Gerschwin, Paul Auster... A bientôt j'espère!