Kondratieff / Polnareff: même combat? (2)
Une théorie du professeur Sauerkraut
Note de l'éditeur:
Rallumez sèche-cheveux, résonnez rasoirs, la chronique du professeur Sauerkraut revient pour notre plus grand plaisir, et le vôtre.
Patrick Topaloff: Hair Symbol des années 1970. Désinvolture, bouche ouverte, lunettes à grands carreaux, frange stylisée et ventre bien tendu.
Des franges qui en disent long sur l'incapacité à voir l'imminence du choc pétrolier.
Nous sommes au début des années 1970 et le marasme économique est déjà palpable dans les pays occidentaux. Cette période est fortement marquée par une constante augmentation des prix, phénomène qu'on appellera par la suite "Inflation". Dans une période antérieure (cf. article précédent), l'inflation était couplée avec une croissance économique forte. Le système s'entretenait donc lui même, puisque la croissance de la production alimentait la croissance des salaires, puis la croissance des prix, etc, etc. C'est ce qu'on appelle un très beau cercle vertueux.
Ce foisonnement du volume des prix et des salaires se répercutait indéniablement sur le volume capillaire. Au début de la nouvelle décennie, la situation n'a pas changé. Pire, les cheveux semblent eux aussi avoir doublé de volume. Comme par hasard, cette époque est marquée par l'idéologie du retour à la terre. "Ne coupons plus nos cheveux, partons élever des chèvres dans le Larzac" semble crier la jeunesse de l'époque (tout cliché mis à part, cela va de soi).

Antoine: quand la bise fut venue, la cigale fut bien dépourvue
En réponse à ce mouvement capillaire sans précédent dans l'histoire de l'humanité et des salons de coiffure, on entrevoit le départ d'une contre-révolution qui connaîtra son âge d'or au début des années 1980. Je parle bien entendu de l'école de Chicago, menée tambour battant par Milton Friedman. Cet économiste propose de remettre au goût du jour les théories du libre-échange d'Adam Smith en les couplant à une cure d'austérité pour l'Etat, devenu trop gros (et peut être trop chevelu?). Cette cure aurait ainsi pour effet de réduire les dépenses, les salaires, et donc les prix, le tout dans une économie assainie car de nouveau libre comme l'air, le cheveu au vent.
En bref, deux mouvements s'affrontent: l'un a les cheveux courts et la ceinture serrée, l'autre s'appelle Antoine et a l'air complètement débraillé. Je sais que cette théorie vous paraît un peu trop subtile, mais seul le souci du détail m'a permis de devenir en toute modestie le brillant économiste que je suis aujourd'hui.


Les charlots: un avant-après décoiffant!
Bref, la fin des années 1960 et le début des années 1970 est un bordel sans nom. D'ailleurs, quand le général de Gaulle invective "la chienlit", ne parle t'il pas en fait des coiffures des hippies qui ne font qu'attiser sa jalousie d'une jeunesse et d'une tignasse perdues?

"Bon les jeunes, vous arrêtez vos délires de hippies ok? Y'en a marre! Oh puis merde tiens puisque c'est ça, je sors. "
La crise est dans l'Hair
Octobre 1973: la machine économique s'emballe. C'est le premier choc pétrolier. Les prix du baril de brut sont multipliés par 3, suite à la guerre du Kippour et la décision des pays producteurs de limiter l'extraction de l'or noir. La croissance économique est en berne. Pour marquer le coup, la France élit en 1974 un président jeune (!) mais complètement chauve. Le temps des ciseaux serait-il revenu?

Heureusement que les faiseurs de slogan étaient là en 1974 pour nous préciser que Giscard n'était pas un faux président, mais un vrai chauve!
Là encore, on observe une dualité entre les prétentions de l'élite et le comportement de la plèbe. En effet, cette dernière continue d'arborer des tignasses de plus en plus volumineuses. En plus de cela, les tenues vestimentaires sont de plus en plus libérées du slip.
Stone et Charden contre vents et marées inflationistes ("toi, tu ne changes pas, tu es comme le prix des allumettes"), grâce à des joggings assortis et des coiffures inébranlables.
Au même moment intervient un phénomène économique nouveau: la stagflation. Cela signifie que, malgré la croissance économique qui stagne, l'inflation reste aussi galopante qu'un étalon sur l'hippodrome de Longchamp. La croissance des prix et des salaires est entrée dans une spirale sans fin, ce qui contredit coup sur coup à la fois la théorie du cycle économique de Kondratieff (une phase A était fondée sur la croissance des prix; or nous semblons être en phase B du cycle) et les vélléités des garçons coiffeurs. Le cycle de la mode aurait en effet du revenir aux cheveux courts. Las, les cheveux vont devenir de plus en plus longs, au point que même Gérard Lenorman il ressemble à une fille, ah ah ah.

Gérard Lenorman, ou l'illusion d'un monde de rêve au milieu d'un champ de blé. Exemple flagrant d'une coupe de cheveux cachant la réalité d'un monde vicié et décadent.
Le "compromis Playmobil"
Outre les prétentions capillaires sans avenir d'un Valéry Giscard d'Estaing ou même d'un François Mitterrand, on distingue désormais deux attitudes. La première fait écho à une phrase fort célèbre de Georges Pompidou (décédé suite à un concours de gonflage de joues crétin qui est allé trop loin): "entre le chômage et l'inflation, j'ai choisi l'inflation", qui signifiait qu'il préférait laisser courir l'inflation pour lutter contre le chômage. Ainsi, on laisse filer les prix et la longueur des cheveux, et même des poils en général.




Abba, le grand Jojo, Michel Polnareff, les Jackson five: 4 symboles de la pilosité libérée mais néanmoins moutonnière des années 1970.
La deuxième attitude préfère le compromis entre une inflation maîtrisée, au prix d'une croissance économique moins forte. C'est ce que j'appellerais "le compromis playmobil", qui va connaître ses beaux jours à la fin de la décennie. Ainsi, on va garder un volume capillaire important, tout en le maîtrisant astucieusement. C'est ainsi qu'on va voire renaître la mode de la coupe au bol.
Quelques beaux exemples du compromis Playmobil de la fin des années 1970. Mireille Mathieu arbore un casque que Jeanne d'Arc n'aurait pas renié, tandis que Dave nous montre les vertus water-proof de sa coupe dans sa piscine achetée avec les royalties de Vanina. Water proof peut être, mais contre les marées noires...?
La fin des années 1970 est donc marquée par cette "révolution conservatrice" que représente le compromis playmobil. On veut bien des cheveux, mais dans la limite du raisonnable. Néanmoins cette sagesse introduite dans les salons de coiffure ne va pas avoir d'effet significatif sur l'inflation et la croissance économique. Le deuxième choc pétrolier de 1979 va anihiler tous les efforts en faveur de la coupe "casque" à la Mireille Mathieu, qui avait pour but de nous protéger justement des chocs. Ce coup-ci, c'est clairement la crise. Milton Friedman va enfin pouvoir sortir du terrier théorique, et verra ses recettes appliquées à la lettre par Margareth Thatcher, à partir de 1980.
Claude Forier (avec une grosse faute d'orthographe comprise dans le prix) et Waylon nous offrent deux tristes avatars d'une décennie capillairement et économiquement décadente. A force de répéter en moins bien ce qui a marché dans le passé, on plombe le futur. Waylon anticipe d'ailleurs déjà la Cold Wave en remettant sa petite laine sur le dos.
Les effets de cette nouvelle politique sur l'économie ainsi que sur les coiffures sera dévastateur et multiforme. Abba prépare son divorce, Polnareff se barre,Claude François se fait griller... sa coupe par des cloclones ampoulés, tel Claude Forier, et le disco se meurt lentement. C'est là que les années 1980 entrent en scène.
1 commentaire(s):
le vendredi, 28 avril, 2006,
Thorstein a dit…
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